Régularisation du défaut de sursis à statuer
La Cour administrative d’appel (CAA) de Marseille, par son arrêt du 14 mai 2024 (n°23MA01123), apporte une précision essentielle en matière de droit de l’urbanisme : le défaut de sursis à statuer sur une demande de permis de construire peut désormais, dans certaines conditions, faire l’objet d’une régularisation. Cette évolution jurisprudentielle mérite d’être analysée, tant pour ses implications pratiques que pour sa portée sur les litiges futurs relatifs à la légalité des autorisations d’urbanisme.
Le cadre juridique du sursis à statuer
Le mécanisme du sursis à statuer, prévu à l’article L. 153-11 du Code de l’urbanisme, permet à l’autorité compétente de différer sa décision sur une demande de permis dès lors qu’un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) est en cours d’élaboration et que le projet en cause est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution.
Ce dispositif constitue une prérogative essentielle permettant aux collectivités de préserver la cohérence de leur stratégie d’aménagement du territoire. Lorsqu’il est omis à tort, ce défaut peut entacher d’illégalité la décision de délivrance du permis.
Un projet d’hôtel en contradiction avec le PLUi en gestation
Dans l’affaire jugée par la CAA de Marseille, il s’agissait d’un permis de construire délivré en 2019 par le maire de Marseille à la société SAS Next pour la construction d’un hôtel-boutique dans le 8e arrondissement.
La Cour a estimé que ce projet était manifestement incompatible avec les futures prescriptions du PLUi du territoire Marseille Provence, en cours d’élaboration à la date de la demande.
En conséquence, l’autorité municipale aurait dû surseoir à statuer sur la demande, conformément à l’article L. 153-11 précité. Son abstention a été jugée constitutive d’une erreur manifeste d’appréciation.
Le vice de procédure peut-il être régularisé ?
Traditionnellement, le défaut de sursis à statuer était perçu comme un vice substantiel, difficilement régularisable. Mais dans son arrêt du 14 mai 2024, la Cour administrative d’appel de Marseille opère un revirement notable.
Se fondant sur l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, la Cour admet que ce vice est régularisable, dès lors que :
- Le pétitionnaire peut revoir l’économie générale du projet sans en altérer la nature ;
- Le projet modifié respecte les règles désormais en vigueur du PLUi (en l’espèce, approuvé en décembre 2019), lesquelles autorisent, en zone UB, les constructions à destination d’hôtellerie.
La Cour a donc sursis à statuer sur la légalité du permis de construire contesté, en laissant un délai de douze mois à la SAS Next pour déposer une mesure de régularisation conforme aux nouvelles prescriptions du PLUi.
Une décision à forte portée pratique
Cette solution présente un intérêt juridique majeur pour les praticiens du droit public et les opérateurs immobiliers. En effet, elle permet d’éviter l’annulation pure et simple d’un permis de construire pour un vice qui, bien que sérieux, peut être corrigé a posteriori dans un cadre sécurisé.
Ce mécanisme permet également de sauvegarder une partie des investissements engagés, à condition de respecter les règles d’urbanisme en vigueur à la date où le juge statue. La décision de la CAA de Marseille s’inscrit ainsi dans une tendance contemporaine visant à favoriser une résolution équilibrée des contentieux d’urbanisme, en conciliant sécurité juridique et efficacité administrative.
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