Dans une décision rendue le 12 décembre 2024 (CE, 7e ch., n° 497389), le Conseil d’État apporte une clarification bienvenue sur la question de l’urgence dans le cadre des procédures de référé-suspension contre les refus de renouvellement de titre de séjour. Lorsqu’un préfet met plusieurs années à statuer sur une demande, il ne saurait ensuite reprocher à l’étranger son inaction face à un prétendu rejet implicite.
Cet arrêt conforte une jurisprudence protectrice, essentielle pour les ressortissants étrangers qui, souvent, subissent les lenteurs de l’administration tout en continuant à vivre, à travailler et à s’intégrer régulièrement sur le territoire français.
La présomption d’urgence en matière de refus de renouvellement
L’article L. 521-1 du code de justice administrative permet au juge des référés de suspendre l’exécution d’une décision administrative, y compris une décision de rejet, à condition que soient réunis deux critères : l’urgence et un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée.
En matière de refus de renouvellement d’un titre de séjour, la jurisprudence constante du Conseil d’État reconnaît une présomption d’urgence, compte tenu des conséquences immédiates que cette décision entraîne sur la vie du demandeur (risque d’éloignement, perte d’emploi, précarisation). Autrement dit, l’urgence n’a pas besoin d’être prouvée : elle est présumée.
Une administration qui met deux ans à statuer ne peut se prévaloir de l’inaction du demandeur
Dans l’affaire portée devant le Conseil d’État, un ressortissant ivoirien avait sollicité le renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » en octobre 2022. Ce n’est que près de deux ans plus tard, en juin 2024, que le préfet a pris une décision de rejet, accompagnée d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) dans un délai de trente jours.
Pendant toute cette période, l’administration avait délivré des récépissés valides permettant à l’intéressé de travailler et de résider légalement en France. Malgré cela, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de suspension, estimant que la condition d’urgence n’était pas remplie, sans en justifier les raisons.
Le Conseil d’État annule cette ordonnance, rappelant que l’administration ne peut imputer à l’étranger une prétendue passivité, alors qu’elle a elle-même provoqué l’urgence par sa lenteur excessive. Il souligne également que le préfet n’avait apporté aucune circonstance particulière de nature à renverser la présomption d’urgence.
Un doute sérieux sur la légalité du refus de séjour
Au-delà de la question de l’urgence, le Conseil d’État relève que la décision préfectorale était insuffisamment motivée. Elle se fondait sur une prétendue atteinte grave à l’ordre public, sans éléments factuels concrets à l’appui.
Cette carence de motivation, couplée à une erreur manifeste d’appréciation, est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée. En conséquence, la suspension de l’exécution du refus de séjour est prononcée, et le préfet est enjoint de réexaminer la demande de l’intéressé dans un délai de quinze jours, avec délivrance d’une autorisation provisoire de séjour.
Ce qu’il faut retenir : un signal fort pour les étrangers confrontés à l’inaction préfectorale
Cette décision illustre l’importance de contester rapidement les décisions injustifiées de l’administration, mais aussi de faire valoir ses droits lorsque l’administration tarde à répondre. Le Conseil d’État rappelle que les étrangers ne doivent pas être pénalisés pour ne pas avoir contesté un silence administratif ambigu, surtout lorsque ce silence est accompagné de documents officiels leur permettant de rester et de travailler en toute régularité.
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