La reprise des biens propres lorsqu’elle concerne des sommes d’argent
Dans le cadre d’un divorce soumis au régime de la communauté légale, les opérations de liquidation du régime matrimonial impliquent un préalable incontournable : la reprise des biens propres. Il s’agit d’une phase essentielle durant laquelle chaque époux récupère les biens qui, en vertu de leur origine ou de leur qualification, n’ont jamais intégré la communauté.
La Cour de cassation, dans un arrêt récent du 2 mai 2024 (Civ. 1re, n° 22-15.238), a précisé les contours de ce droit de reprise lorsqu’il concerne des sommes d’argent, mettant fin à une incertitude jurisprudentielle persistante. Retour sur les enseignements de cette décision et sur les règles applicables.
Définition et fondement juridique de la reprise des biens propres
La reprise des propres désigne le mécanisme par lequel, lors de la dissolution de la communauté (en général à l’occasion d’un divorce), chaque époux récupère les biens qui n’étaient pas entrés en communauté, sous réserve qu’ils existent encore en nature ou qu’ils aient fait l’objet d’une subrogation. Ce principe est énoncé à l’article 1467, alinéa 1er, du Code civil.
Sont notamment concernés :
- les biens acquis avant le mariage ;
- les biens reçus par donation ou succession pendant le mariage (article 1405 du Code civil) ;
- les biens acquis par remploi de fonds propres, sous certaines conditions.
Il est important de noter que la reprise s’opère en nature. Autrement dit, l’époux ne peut revendiquer une valeur équivalente mais doit démontrer l’existence effective du bien à la date de la dissolution de la communauté.
L’exigence d’identification des sommes d’argent : un renforcement probatoire
L’arrêt du 2 mai 2024 a apporté une précision déterminante : lorsqu’un époux revendique la reprise d’une somme d’argent comme bien propre, il doit démontrer deux éléments cumulatifs :
- Le caractère propre de la somme (exemple : donation ou succession personnelle) ;
- L’existence identifiable de cette somme au jour de la dissolution de la communauté.
Cette exigence découle directement de la fongibilité des deniers : contrairement à un bien matériel (immeuble, œuvre d’art, véhicule, etc.), une somme d’argent ne peut être identifiée que par traçabilité bancaire. Ainsi, la simple allégation d’une donation en numéraire ne suffit pas : il faut prouver que cette somme a été isolée (exemple : déposée sur un compte personnel distinct) et n’a pas été mélangée aux fonds communs.
L’objectif est clair : éviter que l’époux demandeur ne bénéficie d’un enrichissement indu, en revendiquant une somme d’origine propre qui aurait en réalité été consommée dans le cadre des charges de la communauté.
Reprise ou récompense : deux mécanismes distincts
En pratique, l’absence de traçabilité d’un bien d’origine propre emporte des conséquences juridiques notables. Si la somme a été déposée sur un compte commun, ou utilisée pour financer des dépenses du couple sans être isolée, la reprise en nature est exclue. L’époux peut alors uniquement solliciter une récompense, c’est-à-dire une créance à la charge de la communauté, correspondant au profit qu’elle a tiré du bien initialement propre (article 1437 du Code civil).
Cette distinction entre reprise et récompense est fondamentale dans la liquidation du régime matrimonial, tant sur le plan juridique que financier. Elle suppose une analyse fine du parcours des fonds et des mouvements bancaires, souvent sur plusieurs années.
Portée de la décision du 2 mai 2024 : une clarification bienvenue
Dans l’affaire ayant donné lieu à la décision du 2 mai 2024, une épouse revendiquait la reprise d’une somme de 22 867 euros reçue par donation de ses parents pendant le mariage. La Cour d’appel lui avait donné gain de cause en s’appuyant sur le seul caractère propre de la somme. La Cour de cassation casse l’arrêt en reprochant aux juges du fond de ne pas avoir vérifié l’existence et l’identification des fonds au jour de la dissolution de la communauté.
C’est la première fois que la Haute juridiction affirme aussi explicitement que la reprise d’une somme d’argent suppose non seulement que les fonds aient une origine propre, mais aussi qu’ils soient identifiables et distincts jusqu’au terme du régime.
Cette exigence vient renforcer la sécurité juridique des liquidations matrimoniales, en posant des critères clairs et objectifs. Elle rappelle aussi aux praticiens – et à leurs clients – l’importance de préserver la traçabilité des biens propres tout au long du mariage.
Les précautions à prendre pour préserver ses biens propres
Afin d’optimiser ses droits dans le cadre d’une éventuelle dissolution de communauté, il est vivement recommandé de :
- Isoler les biens propres sur des comptes distincts des comptes communs ;
- Conserver les justificatifs de l’origine propre (actes notariés, attestations de donation, relevés bancaires, etc.) ;
- Recourir à une clause de remploi pour tout investissement réalisé avec des fonds propres ;
- Consulter un avocat en droit patrimonial pour établir une stratégie préventive.
L’accompagnement du cabinet Carlini & Associés : reprise des biens propres
La question de la reprise des biens propres est éminemment technique. Elle soulève des enjeux financiers conséquents et nécessite une parfaite maîtrise des mécanismes de liquidation et des règles probatoires. L’arrêt du 2 mai 2024 invite chacun à une vigilance accrue dans la gestion de ses biens personnels au sein du couple.
Le cabinet Carlini & Associés, expert en droit patrimonial de la famille, accompagne ses clients dans la défense de leurs intérêts financiers lors d’un divorce ou d’une séparation. Notre équipe vous assiste dans la constitution de la preuve, l’analyse de votre patrimoine et la détermination de vos droits de reprise.
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